Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 03.djvu/24

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pas plus poltron qu’un autre, mais je n’aime pas dîner avec de la mort-aux-rats… Je reprenais du bœuf, et comme j’avais raison !… Un soir, à onze heures, elle me dit : "À demain !…" et, à minuit, j’étais veuf. (Se reprenant.) Vernouillet était veuf… Cet événement changea mes petites habitudes… je ne savais plus que faire de mes soirées… C’est alors que je songeais aux Bocardon… pour m’étourdir… Pauvre Héloïse ! elle avait un style charmant. (Prenant une lettre et lisant avec attendrissement.) "Mon cher ami… n’apportez pas de melon… mon mari en a reçu de la campagne." (Parlé.) Elle pensait à tout. Quelle femme ! (Prenant une autre lettre et lisant.) "Mon cher ami, c’est demain la fête de M. Vernouillet, n’oubliez pas de venir avec un bouquet." (Parlé.) Et j’arrivais le lendemain avec mon bouquet etmon compliment… comme un collégien… L’ai-je assez gâté, ce mari-là ! je le mettais dans du coton… je faisais ses courses le matin… le soir sa partie de dominos. Tous les jours à quatre heures, j’allais le prendre à son bureau… Un jour, il eut mal aux reins… et… non… je l’ai frictionné… Seulement… elle me savait gré de ces petites attentions… un regard bien senti venait me payer de tous mes sacrifices… Allons, c’est bête de s’attendrir, mettons tout cela au feu…

Pitois, annonçant.

M. Vernouillet.

Célimare, à part.

Le mari !

Il replace vivement les lettres dans le coffret, qu’il referme et dont il cache la clef dans la poche de son gilet.

Vernouillet, entrant du fond.

Vous êtes seul ?

Célimare, lui offrant une chaise.

Oui.