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Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 10.djvu/225

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PAUL.

Pourquoi voulez-vous que je pleure ? Je me suis royalement amusé pendant six ans ! je ne me suis rien refusé ! je ne regrette rien !

CHAMEROY.

Mais comment avez-vous pu dépenser deux millions ?

PAUL.

Je pourrais vous dire que c’est à doter des rosières ; mais vous ne le croiriez peut-être pas !… Ce qui m’a perdu, c’est l’amour du beau !… C’est si cher, le beau !… le vrai beau !…

MADAME CHAMEROY, à sa fille.

Henriette, va me chercher ma tapisserie !…

PAUL.

Restez ! restez, mademoiselle. (À madame Chameroy.) Ce dont je parle, ce sont les beaux tableaux, les belles statues, les belles chasses, les belles fêtes ! Toujours table ouverte et bourse ouverte aussi ! J’ai beaucoup prêté… et un peu donné… Dieu me garde de me travestir à vos yeux en saint Vincent de Paul, mais je crois n’avoir jamais rencontré un brave homme dans l’embarras, sans lui tendre la main, et le tirer de peine.

CHAMEROY.

Vous voilà bien avancé ! vous êtes pauvre à votre tour !… c’est-à-dire dépendant de tout le monde…

PAUL, vivement.

Je ne dépends de personne !… je n’ai besoin de personne et je ne demande rien à personne !… Oh ! permettez, monsieur !… j’espère n’avoir jamais été fier, tant que j’ai été riche… mais, depuis que je ne le suis plus, c’est différent !… Je veux bien ressembler à la cigale, l’été,