Page:Laboulaye & Guiffrey - La propriété littéraire au XVIIIe siècle, 1859.djvu/636

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mort ; car tel a été l’effet de cette législation nouvelle. Elle a porté un coup mortel à la librairie, et ce qui est pire encore, elle a découragé les lettres.

Avant ces règlements , et lorsqu’en vendant son privilège un auteur transmettait au libraire une véritable propriété, les conditions de la vente se réglaient sur cette circonstance. L’auteur, ou recevait un prix en argent proportionné à la valeur d’un droit qui ne devait pas s’éteindre , ou il stipulait des rentes, des pensions souvent réversibles sur la tête de sa femme , de ses enfants. Mais ces sortes de traités pourraient-ils se conclure aujourd’hui sur le même pied, comme s’ils avaient la même base ? Un imprimeur peut-il donner un prix égal d’un manuscrit dont un autre doit bientôt partager avec lui, ou plutôt lui enlever la jouissance ? Les gens de lettres se verront et se sont vus réduits à faire imprimer à leurs frais, à vendre pour leur compte. Mais outre le dégoût que leur inspirent nécessairement ces sortes de détails, outre l’inconvénient de faire une boutique de leur cabinet , de les détourner de leurs nobles et utiles méditations pour les livrer à des distractions qu’entraîne le commerce, n’est-ce pas souvent les réduire à l’impossible ? Car combien en est-il qui soient en état de faire ces avances ? Ceux qui le pourraient sauront-ils y mettre l’intelligence, l’économie qu’y apportent ceux qui font leur état de ce commerce ? Les libraires eux-mêmes en manquent quelquefois, et les auteurs presque toujours. Ils se ruineront ou retireront à peine leurs frais. Un auteur fait imprimer son ouvrage , il en a lui-même vendu les premiers exemplaires, et il vient alors offrir l’édition à un libraire ; mais le public a prononcé, le livre est mauvais ou médiocre , le libraire le refuse , il reste entier au malheureux auteur ; il était pauvre, il est ruiné. Vous le concevez , Monseigneur : obliger les gens de lettres à courir de pareils risques , c’est les dégoûter d’une carrière ruineuse ou du moins stérile. Si ce dégoût lès force à tourner leurs talents vers des occupations plus utiles pour eux ,