Page:Laboulaye & Guiffrey - La propriété littéraire au XVIIIe siècle, 1859.djvu/637

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que deviennent les letlHes , que devient le commerce de libraire, dont les ouvrages nouveaux font le principal aliment , qu’il faut craindre de voir manquer , puisque la prospérité de ce commerce est pour notre pays à la fois une source de richesse et de gloire ? Cette rareté des productions littéraires est déjà, sensible. Daignez, Monseigneur, jeter un moment les yeux sur notre littérature, et voyez à quoi se réduisent ses efforts ; des compilations, des journaux, des pamphlets et de minces brochures. Comment cet effet n’a-t-il pas été prévu ? il dérive immédiatement de la loi qui, attaquant la propriété des privilèges , ne laisse plus de valeur vénale aux manuscrits des auteurs , et ne leur permet de donner aux lettres que quelques instants dérobés à d’autres travaux plus lucratifs.

Il ne le remplit point à l’égard des libraires. L’arrêt remplit-il mieux sou objet par rapport à la librairie ?

Jugez-en, Monseigneur, en consultant l’effet qu’il a 

produit. Cet effet a été de dégoûter les libraires de toutes entreprises vraiment utiles, vraiment importantes. Trois sortes d’ouvrages formaient les fonds de libraire. Les uns, condamnés à l’oubli dès leur naissance, n’étaient qu’un poids inutile dans les magasins ; ceux-ci nous restent, personne ne nous les envie. Les autres, susceptibles d’un débit journalier, entretenaient, alimentaient le commerce ; ceux-ci nous sont enlevés parles contrefaçons. D’autres enfin , plus lents à la vente, mais d’un produit sûr, formaient notre véritable richesse , et l’arrêt sur la durée des privilèges nous prive de cette dernière ressource , en limitant notre jouissance & un temps insuffisant, non-seulement pour nous donner des bénéfices , mais même pour nous indemniser de nos avances et de nos pertes.

Quel a dû être le résultat d’un pareil système ? une timidité, une défiance extrême, qui ont causé la disette des bons livres, 39