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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/15

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été mises en problème. Peut-être les auteurs eux-mêmes ne s’étaient-ils point imaginés de réclamer cette propriété. Les uns se contentaient de mettre au jour leur production, en abandonnant le profit à l’imprimeur, les autres étaient satisfaits du prix qu’ils avaient reçu de leur manuscrit, et nous ne trouvons aucune ordonnance, aucun arrêt, aucun jugement, en un mot, aucune loi dans laquelle la propriété des auteurs ait été reconnue ou contestée. Il n’était question que de l’imprimerie en elle-même. »

M. Séguier mettait le doigt sur la question. Au seizième siècle l’auteur vendait son manuscrit au libraire, comme plus tard Corneille vendait sa pièce aux comédiens pour un prix une fois payé ; le marché fait, l’auteur disparaissait, le législateur n’avait en face de lui que le libraire. Or, ce dernier calculait le prix de son édition, de façon à rentrer avec avantage dans ses frais, et ces frais comprenaient l’achat du manuscrit. Il était donc naturel qu’on ne lui accordât rien de plus qu’un privilége suffisant pour écarter toute concurrence jusqu’à l’écoulement probable de sa marchandise. Le libraire n’avait rien à demander de plus, l’auteur seul était sacrifié, puisqu’il suffisait d’une seule édition pour que son droit fût épuisé.

« Dans le dix-septième siècle, continue l’avocat général Séguier, on fut plus indulgent ou plus éclairé. On commençait à sentir le droit de propriété des auteurs, on le reconnut quelquefois, surtout lors qu’ils le réclamèrent. » La plus célèbre de ces réclamations est celle des petites-filles de La Fontaine, qui, soixante-six ans après la mort de leur aïeul, sollicitèrent et obtinrent un privilége pour la réimpression d’ouvrages dont elles se regardaient comme propriétaires, encore bien, comme le dit ingénieusement