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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/16

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M. Villemain, que de son vivant La Fontaine n’eût pas manqué de vendre tous ses droits d’auteur, comme le reste de son patrimoine[1]. Des libraires formèrent opposition à l’enregistrement de ce privilège à la Chambre syndicale : « Il est certain, dit la requête des demoiselles de La Fontaine, qu’aucun libraire et imprimeur n’a de privilège subsistant pour l’impression des ouvrages du sieur de La Fontaine ; les suppliantes ont donc pu réclamer les bontés du roi pour obtenir la permission qui leur a été accordée ; les suppliantes descendent en ligne directe du sieur de La Fontaine ; ainsi, ses ouvrages leur appartiennent naturellement par droit d’hérédité, puisqu’il n’existe aucun titre, aucun privilège qui les en prive ; par conséquent l’opposition des libraires est insoutenable, il est donc juste de les en débouter[2]. » L’arrêt rendu le 14 septembre 1761 adopta ces motifs, déclara nulle l’opposition des libraires, et ordonna l’enregistrement du privilège. Rien de plus juste que cet arrêt au regard des libraires, car leur privilège étant expiré, ils n’avaient aucun droit ; mais il ne faudrait pas voir dans cette décision une reconnaissance formelle de la propriété littéraire. Le Parlement déclarait simplement que le privilège royal n’était point rendu au préjudice du droit des tiers, et que par conséquent il fallait le respecter.

Comme les lettres du roi étaient la seule garantie contre la contrefaçon, il était naturel que tout libraire qui songeait à une seconde édition sollicitât le renouvellement ou la prolongation de la faveur royale. Vers la fin du seizième siècle, on s’opposa à ce qu’on nommait un abus ; au nom de la liberté, on attaqua ces prolongations de privilège. « La

  1. Exposé des motifs du projet de 1841, p. 3.
  2. Commission de la propriété littéraire ; collection de procès-verbaux ; Paris, 1826, p. 22.