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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/20

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travail d’un autre ou de son industrie ; nul que lui n’en a donc la propriété, nul autre ne peut en acquérir la propriété que par la cession qu’il lui en fait.

Celui qui achète une copie imprimée d’un ouvrage, n’a influé, ni pu influer, que par son achat, sur la composition de l’ouvrage ; il n’a pu donc en devenir propriétaire par l’achat de la copie imprimée de cet ouvrage. L’auteur sera à jamais le propriétaire de son ouvrage, même lorsqu’il sera imprimé, par cela même que son ouvrage est le fruit ou le résultat de son travail ou de son industrie, et non le fruit ou le résultat du travail ou de l’industrie de celui qui en achète une copie…

Comment donc une bande de contrefacteurs osent-ils prétendre que, lorsque je publie mon ouvrage, il est à eux autant qu’à moi, et qu’ils ont le droit de le faire imprimer comme moi, aussitôt qu’il est sorti de mon portefeuille ? En quoi donc ces forbans de la librairie ont-ils contribué à la composition de mon ouvrage, pour prétendre en partager avec moi la propriété ?…

Montrez-moi ce que votre travail ou votre industrie ont produit dans mon ouvrage, ou cessez de vous arroger le droit de l’imprimer.

Si l’on a droit aux productions du travail et de l’industrie des autres, c’en est fait du droit naturel, civil, et des gens ; il n’y a plus ni propriété foncière, ni propriété mobilière ; le sauvage peut ravir la chasse et la pêche de son voisin ; le citoyen peut s’emparer des possessions, des maisons, des bestiaux, des marchandises, de la bourse de son concitoyen ; les corsaires d’Alger ont droit d’enlever les vaisseaux qui naviguent sur la Méditerranée ; ils peuvent dire : Vos marchandises sont à vous tant qu’elles restent dans vos magasins ; mais aussitôt qu’elles voyagent sur la Méditerranée, elles sont à tout le monde[1].

Cette revendication formelle de la propriété littéraire était trop en avant des idées et des préjugés du temps, pour être comprise par le législateur ; on voulait bien accorder de nouveaux avantages aux auteurs, mais c’était toujours une concession bénévole du souverain. En France, il semble toujours que le gouvernement abdique, quand la loi reconnaît des droits aux citoyens.

  1. Lettre à M. D***, p. 15-17.