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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/23

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On ne pouvait opposer plus nettement la propriété au privilége, ni entrer avec plus de fierté dans une voie nouvelle ; par malheur, il en fut de ce magnifique préambule comme de toutes nos déclarations de droit. On croirait qu’en France, le législateur prend plaisir à établir des principes admirables pour leur donner ensuite un démenti dans la loi. La réforme est dans le rapport, la routine est dans le texte ; on parle en philosophe, on agit en praticien. Cette propriété, de toutes la moins susceptible de contestation, fut réduite à une jouissance viagère pour l’auteur, et à un usufruit de dix ans au profit de ses héritiers. Ce fut de toutes les propriétés la plus humble et la moins protégée.

Depuis la Convention, on s’est souvent occupé de la propriété littéraire ; il suffira de citer le décret de 1810, les travaux de la Commission de 1825, les projets présentés en 1839 par M. de Salvandy, en 1841 par M. Villemain, le rapport de M. de Lamartine, les efforts généreux que le gouvernement actuel a faits pour obtenir au dehors la reconnaissance de la propriété littéraire, et enfin la loi du 8 avril 1854 ; mais, chose bizarre, le législateur a toujours évité de se prononcer sur la nature des droits qu’il protégeait ; la loi semble indécise entre l’ancien principe du privilége et le nouveau principe de la propriété, ou, pour mieux dire, elle penche toujours vers l’ancienne opinion.

En 1825, la Commission, présidée par M. de La Rochefoucauld, discuta longuement sur la nature du droit de propriété littéraire ; on commença dans les dispositions les plus favorables ; suivant l’expression ingénieuse du président, on ne voulait pas laisser incertaine l’existence de la propriété littéraire, nouvelle espèce de légitimité ; voici néanmoins les conclusions auxquelles on arriva, suivant le résumé fort exact de M. Jules Mareschal, secrétaire de la Commission.