Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/27

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pouvait, après un certain temps, cesser d’être cette chose, quand sa nature n’a subi aucun changement, aucune altération quelconque[1].

Ces idées de M. Auger nous semblent aujourd’hui n’avoir rien que de raisonnable ; peu à peu, la notion de propriété est entrée dans les esprits ; mais, en 1826, elles étaient encore trop peu répandues pour avoir chance de succès, et nous voyons que treize ans plus tard, en 1839, à la Chambre des pairs, M. Siméon, rapporteur de la loi proposée par M. de Salvandy, repoussait le droit de propriété littéraire de la façon la plus catégorique.

Les Commissions de 1825 et de 1836, composées d’hommes éminents…, déclarèrent que la propriété littéraire est la plus sacrée, et néanmoins le projet de loi qui sortit de l’une et de l’autre de ces Commissions ne la garantit encore que pour un temps déterminé.

Pourquoi cette différence perpétuelle entre les principes que l’on proclame et leur application, si ce n’est parce qu’en approfondissant la question, on a reconnu qu’il était impossible de donner le caractère de propriété absolue et de droit commun à ce qui n’en est pas une ? Aussi, quelque ingénieuses qu’aient été les diverses combinaisons qu’on a imaginées, soit pour faire acheter tous les manuscrits par le gouvernement, soit pour prélever sur le prix de la vente des livres imprimés un droit, proportionnel en faveur des auteurs et de leur postérité a tout jamais, et après elle en faveur de l’État, qui pourrait par ce moyen venir au secours des gens de lettres et des artistes, soit qu’afin d’éviter les embarras des partages on ait voulu conserver la propriété dans la descendance directe et créer ainsi des espèces de majorats, on a toujours fini par reconnaitre que, la pensée une fois émise, il importe qu’elle reste à la disposition de tous, et qu’il vienne enfin un moment où il ne puisse point dépendre de la cupidité d’héritiers avares de priver la société des bienfaits des hommes de génie[2].

Le droit que l’on garantit aux auteurs n’est pas un droit naturel, mais un privilége résultant d’un octroi bénévole de la loi[3].

  1. Commission de la propriété littéraire ; collection des procès-verbaux ; Paris, 1826, p. 76-71.
  2. Rapport du comte Siméon, p. 13. Séance du 20 mai 1839.
  3. Ibid., p. 19.