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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/36

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À qui peut appartenir cette propriété, sinon à celui qui l’a créée ? Les voisins qui n’ont rien fait peuvent-ils prétendre une part dans le travail d’autrui ? Non sans doute. La société y a-t-elle plus de droit ? elle n’est qu’une collection d’individus qui tous sont restés étrangers à la mise en valeur. Comme représentant la communauté, comme première propriétaire du sol, elle a reçu le prix de ce qu’elle a vendu. Où serait son titre pour agir ? Bien plus, elle bénéficie de ce travail auquel elle n’a pas contribué, l’impôt seul va lui donner un revenu supérieur à ce qu’elle tirait de ce désert. Le propriétaire enrichit la société et ne lui prend rien.

Le sol appartient donc à celui qui l’a fécondé, et il lui appartient à toujours. Pourquoi ? c’est qu’il n’y a aucune raison qui autorise à le dépouiller d’une valeur qu’il a créée, d’une chose qu’il a faite. Le colon a travaillé pour ses enfants et pour sa femme ; il a été sobre, patient, économe ; il s’est refusé des jouissances viagères, personnelles, pour creuser des fossés, planter des arbres, élever des troupeaux, en un mot, il s’est sacrifié pour créer une richesse qui durera plus longtemps que lui, et qui profite indirectement à la société. De quel droit lui ôterait-on à lui ou aux siens ce qui est son œuvre propre ? Ces fruits, qui n’existeraient pas sans lui, ces bestiaux que lui seul a élevés, à qui peuvent-ils appartenir sinon à celui qui les a créés et nourris ? Après lui, qui aura droit à ces valeurs, sinon ceux pour qui seuls le colon a travaillé ?

Voilà donc comment naît la propriété, et comment à sa suite arrive l’hérédité. Et ce n’est pas seulement par un sentiment de justice abstraite que la société protège l’une et l’autre, cette justice est pour elle une condition d’existence. La société vit du travail de ses membres, il n’y a pas de