Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/37

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travail sérieux quand la propriété est incertaine et la succession mal assurée.

On comprend maintenant quel est le droit de propriété dans sa forme première, avant que l’hérédité n’en obscurcisse la notion. C’est le droit du créateur sur la valeur ou la chose qu’il a créée ; ce droit est de sa nature absolu. Nous pouvons disposer de notre chose comme il nous plaît, la donner, la vendre, la changer de nature, la consommer Pourquoi ? c’est que notre œuvre ne doit rien à personne ; nous pouvions ne rien faire et laisser nos facultés oisives ; si nous avons travaillé, c’est pour nous, et pour nous seuls. Afin de prétendre aux fruits de notre industrie, il faudrait qu’on eût un droit sur notre personne, ou qu’il y eût engagement de notre part ; quand ces deux conditions n’existent pas, il implique que l’œuvre appartient à un autre qu’à l’inventeur.

L’essence du droit de propriété, c’est donc une création de valeur ; maintenant, en quoi consiste cette valeur dans la propriété foncière ? Cette valeur, c’est un corps certain, une part du sol, une chose facilement inconnaissable, et que, par conséquent, tous les hommes doivent respecter. Un droit, une obligation sont invisibles ; je ne puis pas savoir ce que mon voisin s’est engagé à faire ou à souffrir, mais je ne puis pas ignorer que ce champ n’est pas à moi, qu’il est à quelqu’un, et que, par conséquent, je n’ai ni le droit d’en user, ni le droit d’en prendre les fruits.

La nature de la propriété foncière détermine la garantie que lui donne l’État. Que personne ne trouble le propriétaire dans la jouissance du sol, que personne, autre que lui, ne dispose des fruits, et le domaine est garanti. Cette protection est toujours facile, car l’objet n’en est jamais douteux ; il faut, en général, un acte extérieur, une violence, pour