Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/50

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ne les obtient pas de la même façon ; en sont-ce moins des fruits ? Tout ce qu’on peut conclure de ces différences, c’est que la propriété littéraire diffère de la propriété ordinaire par son usage et par ses fruits ; il n’en résulte pas que ce ne soit point une propriété.

J’ai parlé plus haut de l’industrie du bronze, industrie toute matérielle et qui n’a pour objet que des produits matériels. Le bronzier est cependant dans la même position que l’auteur. Lui aussi vend des produits qui ne sont destinés qu’à une jouissance voluptuaire ; lui aussi garderait sa propriété, quand même son moule serait perdu et toutes ses pendules vendues. Pourquoi ? parce que le bronzier comme l’auteur vend un objet déterminé et non pas le droit d’exercer une industrie à son préjudice ; celui qui achète une pendule ne peut ni croire ni dire qu’il a acquis un modèle et le droit de le reproduire. Il y a donc d’autres objets que les livres qu’on peut vendre sans que l’acquéreur ait le droit de se servir de ces objets, de façon à détruire la propriété d’autrui.

Il ne faut donc pas dire[1] que l’auteur ne demande pas à être maintenu dans la possession et la jouissance exclusive d’un objet matériel, mais bien dans la jouissance d’un droit, par la raison que la contrefaçon ne trouble en rien l’auteur dans la paisible jouissance de son manuscrit ; il ne faut pas dire qu’en multipliant les exemplaires, le contrefacteur use de sa chose, parce qu’il est légitime et plein propriétaire du livre qu’il a acheté ; il ne faut pas dire que ces réimpressions multipliées n’altèrent en rien le droit de propriété de l’auteur, puisqu’il peut toujours imprimer de son côté ; raisonner ainsi, c’est confondre la propriété littéraire et la propriété foncière, pour le plaisir de démontrer que le droit des au-

  1. Conf. Wächter, Das Verlagsrecht, § 9.