Aller au contenu

Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

teurs est d’une nature particulière ; mais ce n’est pas prouver le moins du monde que ce droit ne soit pas un droit de propriété. J’ajoute que, pour tout esprit pratique, cette démonstration va directement contre le but qu’on se propose ; il en résulte tout le contraire de ce qu’on croit établir.

Est-il vrai que la contrefaçon ne trouble point l’auteur dans la jouissance de son manuscrit ? Oui, si l’on ne considère que les feuilles de papier dont ce manuscrit se compose, ce qui est une considération peu philosophique ; non, si l’on considère le manuscrit ainsi que le font les libraires, c’est-à-dire, comme une chose qu’on peut reproduire et multiplier, comme une planche, comme un moule, car alors il est évident que la contrefaçon anéantit dans mes mains la propriété que seul j’ai créée.

Est-il vrai qu’en reproduisant le texte de mon livre, le contrefacteur ne fasse qu’user de sa chose, parce qu’il a payé l’exemplaire qu’il réimprime. C’est une des objections les plus courantes et les plus fausses. En même temps qu’on refuse aux auteurs un droit évident, celui de tirer le fruit de la chose qu’ils ont créée, on donne à l’acheteur un droit des plus subtils, et cela, par la plus étrange des confusions. On semble croire que le droit de réimpression est une façon toute naturelle de jouir d’un livre : on ne voit pas que la réimpression est un fait distinct, une industrie particulière, et qui n’a rien de commun avec la propriété d’un volume, car on peut parfaitement contrefaire l’exemplaire d’autrui. La propriété, dit-on, est le droit d’user et d’abuser ; d’user de quoi ? de la chose qu’on a achetée, sans doute. Je prends un sac de blé, et de ce blé je fais de la farine, de l’amidon, de l’alcool ; c’est mon droit, je peux consommer ce blé comme je l’entends ; je peux vendre, donner, transformer, perdre ma chose. J’admets tout cela,