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aux gens qu’on dépouille. Soyons justes, et nous n’aurons pas besoin de cette fausse générosité. Le public fait la fortune du médecin qu’il consulte, et lui donne à la fois richesse et considération ; reconnaissez la propriété littéraire, il en sera de même pour l’auteur et pour ses enfants.

Mais, dit une dernière objection, du jour où la propriété littéraire enrichit l’écrivain, ne craignez-vous pas qu’il ne cherche les œuvres les plus productives, et non pas les plus honorables ; la littérature sera abaissée. Crainte mal fondée ! La littérature, aujourd’hui, comprend toute la vie sociale ; il n’est rien qui n’aboutisse à un livre. On écrit sur tout ; il n’est pas une science, pas un art, où, à côté du praticien, vous n’ayez un écrivain qui expose la théorie ancienne, ou qui en cherche une nouvelle. Rien ne sera changé à ce qui existe, aujourd’hui surtout que la propriété est, depuis soixante ans, viagère. La littérature continuera d’être l’expression de la société, avec toutes ses vertus et tous ses vices. Nous avons des gens qui se consacrent à nos plaisirs, et d’autres qui ne cherchent qu’à nous instruire : nous payons fort cher les premiers et fort mal les seconds ; cependant nous ne voyons pas qu’on abandonne la chaire ou l’école pour des occupations moins sévères et plus profitables. Il y a dans la société des gens qui préfèrent l’honneur à l’argent, la même différence continuera d’exister chez les auteurs. Quand on aura reconnu un héritage littéraire, on aura effacé une injustice, mais on n’aura pas changé le cœur humain, et la vraie littérature n’aura rien perdu de sa noblesse.

Je finis par un sonnet de Woodsworth : c’est un poète, et notre siècle n’en a pas connu de plus moral et de plus désintéressé ; mais il sentait ses droits, et plus encore ceux de ses rivaux. Lui aussi a voulu protester énergi-