que le titre même de citoyen dépendait d’une qualité purement religieuse[1]. La suprême influence se trouvait ainsi entre les mains des ministres élus par le suffrage du peuple, c’est-à-dire entre les mains des plus exagérés parmi des enthousiastes et des fanatiques. Chacun dès lors prit pour leur plaire cette austérité apparente, cet extérieur formaliste, ces manières cérémonieuses qui sont restées longtemps dans les habitudes de la Nouvelle-Angleterre, et lui ont donné un aspect d’hypocrite sévérité qui répugne à la vivacité et à la franchise toute méridionale de nos mœurs.
Mais il ne faut pas s’y tromper, sous cet extérieur austère, sous ce fanatisme rigide il y avait un amour ardent de la liberté, et on s’en aperçut dès le premier jour.
Dans les premières années du transport de la
- ↑ Ce n’était point, du reste, chose aisée que de devenir membre de l’Église. En Angleterre, dans la Boutique aux scrupules d’Oxford, le point le plus difficile à fixer, c’était l’heure de la renaissance, de la régénération, c’est-à-dire le moment précis où Dieu avait révélé ou montré aux fidèles leur nom inscrit parmi les prédestinés. Qui ne pouvait indiquer ce moment n’avait aucun droit au litre de saint. En Amérique il fallait fournir la même preuve aux réunions du jeudi, établies aussitôt après l’arrivée. Pour devenir non-seulement un saint, mais un citoyen, il fallait fixer le moment exact de la justification. Il y avait en outre d’autres conditions, telles qu’un discours d’une heure devant l’assemblée. « Ici, dit un contemporain (Lechford, Plain Dealing or Newesfrom New England), on exige de telles professions et confessions publiques et privées des hommes et des femmes avant de les admettre dans l’église, que les trois quarts du pays restent en dehors, si bien qu’en peu de temps, si l’on continue, la plupart du peuple vivra sans baptême. » (North American Review oct. 1840, p. 485.)