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étroites, dont profite la liberté du citoyen. Le lien politique se relâche d’autant plus que le lien moral est plus serré.

On comprend comment la religion puritaine laissant à la pensée un champ des plus larges, en même temps qu’elle borne sévèrement la vie civile, a évité le grand danger de la philosophie qui souvent, en émancipant la pensée, livre le cœur à toute la licence des passions. Il est aisé maintenant de sentir comment cette société si régulièrement ordonnée, et si formaliste, était pourtant si libre, si indépendante par un autre côté ; comment, suivant une maxime anglaise un peu détournée de son sens, les puritains étaient libres par les lois, et esclaves par la coutume ; comment enfin les mêmes hommes demandaient à la loi de les gêner le moins possible, et suivaient en esclaves les usages reçus. Ce caractère, qui fut celui de la vieille Rome, est encore aujourd’hui celui de la Nouvelle-Angleterre.

Si la religion favorisait la liberté politique, le génie propre des émigrants y contribuait aussi pour beaucoup.

Vous savez quel est le caractère que Tacite donne aux tribus germaniques, caractère qui le frappait d’autant plus qu’il est surtout opposé au génie romain : c’est l’indépendance individuelle. Le barbare se suffit à lui-même, et par conséquent reçoit avec méfiance tout ce qui diminue la liberté en la