Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/34

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pire ; nous sommes à la veille de Wagram, et le héros de l’histoire est Napoléon.

« J’étais resté à Ebersdorff, raconte le général ; pour veiller aux divers passages des troupes ; je me rendis le 4 juillet, à la pointe du jour, au camp impérial pour rendre compte au major général…, lorsque l’Empereur sortit de sa tente et m’appela.

« Je lui rendis compte du passage des divers corps et de l’approche de l’armée d’Italie : « Fort bien, me dit-il, nous sommes en mesure ; l’archiduc Jean devrait faire sur la rive gauche le même mouvement qu’a fait Eugène sur la rive droite, et se trouver demain avec ses trente mille hommes à la grande bataille ; eh ! bien, vous verrez qu’il n’y sera pas. » Puis il se mit à se promener sur le gazon, les mains derrière le dos, en me faisant diverses questions, celle-ci entre autres : « Dites-moi ce que vous pensez de Narbonne, que j’ai envoyé commander à Raab. — Sire, lui répondis-je, je pense que c’est un homme dont l’esprit est propre à tout ; il a le cœur haut, et je lui crois toutes les sortes de courage. — Bon, mais il n’a jamais vu tirer un coup de fusil. — Sire, je ne crois pas qu’il ait besoin d’apprentissage. » Changeant tout à coup de sujet, il me dit : « Général Dumas, vous étiez de ces imbéciles qui croyaient à la liberté ? — Oui, Sire, j’étais et je suis encore de ceux-là. — Et vous avez travaillé à la révolution, comme les autres, par ambition ? — Non, Sire, et j’aurais bien mal calculé, car je suis précisément au même point où j’étais en 1790. — Vous ne vous êtes pas bien rendu compte de vos motifs ; vous ne pouvez pas être différent des autres ; l’intérêt personnel est toujours là. Tenez, voyez Masséna ; il a acquis assez de gloire et d’honneurs ; il n’est pas content ; il veut être prince comme Murat et Bernadotte ; il se fera