Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/438

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la parfaite folie de tous ces essais, qui ont pour but d’établir les formes d’un gouvernement suivant de pures théories ; peut-être ne trouverait-on pas une preuve plus sensible du danger de ces lois faites sans consulter les habitudes, les mœurs, les sentiments, les opinions du peuple qu’elles doivent régir[1]. » Rien de plus judicieux que cette observation, mais bien des gens peut-être n’en comprendront pas toute la portée. Du mauvais succès qu’eut le grand modèle, de l’erreur de Locke, on ne conclura pas à l’impuissance radicale de toutes les législations à priori. Considérons de plus près la tentative du philosophe anglais, et, en estimant davantage l’homme et son œuvre, nous comprendrons mieux pourquoi tous deux devaient fatalement échouer, comme échoueront tous les essais semblables.

Pourquoi la constitution de Locke n’a-t-elle pas réussi, et pourquoi ne pouvait-elle pas réussir ?

Est-ce que celui qui l’a rédigée était inhabile ? Non sans doute ; c’était un sage qui ne donnait rien à l’imagination ; c’était un esprit réfléchi, qui dans un temps de troubles, quand les bases mêmes de la société étaient mises à nu, avait profondément médité sur la nature et les conditions de l’État ; c’était enfin un écrivain politique dont les doctrines, sanctionnées par la révolution de 1688,

  1. Story, Commentaire, t. I, § 134.