Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/459

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porte le trouble dans tous les rapports humains. Déclarer que l’homme est un animal ou un outil, c’est s’engager dans un système qui ramène forcément les horreurs de la loi romaine. Sans doute l’application est moins rigoureuse, parce que les Américains, éclairés par le christianisme, n’ont ni la férocité, ni la corruption des Romains ; mais le principe est le même. Une bête de somme appartient à son maître et ne peut rien posséder ; elle n’a ni famille, ni femme, ni enfants ; son travail n’est pas à elle non plus que sa personne ; la battre, la tuer, c’est un droit, et si la loi américaine recule aujourd’hui devant cette dernière atrocité, c’est par une heureuse inconséquence. Mais que de fois la loi reste désarmée devant la cruauté et même devant le crime du maître ; et que de fois aussi le juge est aveugle et complice ! L’esclave d’ailleurs n’a pas d’action pour demander justice, et l’homme libre a peu de pitié pour des maux qu’il ne connaît ni ne redoute !

Est-il nécessaire d’énumérer les lois qui réglaient l’esclavage dans la Caroline ? Ces lois sont partout et forcément les mêmes. En même temps qu’elles traitent l’esclave comme une brute, elles ne peuvent pas oublier qu’il y a en lui un esprit qui pourrait s’éveiller, une âme qui pourrait aspirer à la liberté ; aussi ne se contentent-elles pas de châtier le nègre, elles s’en défient comme d’un ennemi, et avant tout elles cherchent à étouffer en