Dans un tel régime où chercher l’égalité ? Personne n’en avait le désir, ni même l’idée. Comment l’eût-on conciliée avec l’idée de hiérarchie, et surtout de hiérarchie héréditaire ? Le beau idéal ce n’était point une société uniforme, mais au contraire une société si bien ordonnée que chacun y trouvât sa place suivant sa naissance, ses services et ses mérites, quelque chose comme la hiérarchie ecclésiastique, image elle-même de la hiérarchie céleste. C’est le contraire de l’égalité.
Toutefois, ne concluons pas de là que dans le régime féodal il n’y eût point de place pour la liberté ; ce serait le juger avec les préventions de nos pères, préventions justes à une époque où de ce régime ne subsistaient plus que les abus, mais injustes quand on étudie le système féodal du xiiie siècle, c’est-à-dire le régime d’une société qui réclamait une semblable organisation.
Sans doute la liberté d’alors ne ressemblait pas à ce que nous appelons aujourd’hui de ce nom ; il lui manquait ce caractère de généralité qui pour nous lui est essentiel ; il n’y avait pas une liberté, mais des libertés, le mot dit tout ; la liberté était un privilège ; mais pour n’être pas aussi répandue qu’à présent elle n’en existait pas moins, et même j’oserais dire, en empruntant une des fines observations de Burke, qu’elle était d’autant plus grande pour les uns qu’elle était fondée sur l’asservissement des autres.