Si, comme en Angleterre, le sol avait été occupé par un peuple agricole, il y aurait eu sans doute assujettissement des vaincus, et chaque conquérant fût devenu un propriétaire féodal, ayant des vassaux et des serfs, dont le travail eût fourni à ses besoins et à ses désirs. Certes, dans cette organisation, rien n’eût gêné l’orgueil et l’audace des premiers aventuriers ; rien n’eût choqué les idées d’un Raleigh, et plus tard d’un Clarendon ni d’un Shaftesbury, puisque Locke, dans sa charte, imaginait encore une société pareille. L’inégalité, la subordination des propriétés, leur maintien dans les mêmes familles, c’étaient là des idées favorites de l’époque et que n’eussent point repoussées les émigrants, ceux du sud surtout, dont un grand nombre était allié aux meilleures familles d’Angleterre.
Si donc ce régime ne s’établit pas, c’est qu’une cause naturelle, plus puissante que les idées ou les préjugés apportés d’Europe, s’y opposa complètement.
Cette cause, c’est que le pays était un désert et une forêt. Pour en tirer parti, force était de se faire bûcheron et laboureur. Il n’y avait point, comme en Angleterre au temps de Guillaume, des domaines tout cultivés, dont on avait chassé ou tué les maîtres, et qui n’attendaient qu’un nouveau possesseur ; il n’y avait point de serfs prêts à travailler pour le conquérant, et à enrichir de