Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dre VI accordait aux couronnes unies de Castille et d’Aragon toutes les terres découvertes et à découvrir au delà d’une ligne imaginaire tracée d’un pôle à l’autre, cent lieues à l’ouest des Açores ; l’est était la propriété des Portugais.

Cette donation, contre laquelle Grotius se croyait encore obligé de protester[1] au nom de l’Évangile, n’était pas faite parce que le pape se reconnaissait pour le maître du monde, et prétendait distribuer en souverain les terres du nouveau continent : c’était comme chef suprême de la catholicité que le pape disposait ainsi de nations plongées dans les ténèbres de l’idolâtrie. Ces païens, ces infidèles n’avaient aucun titre à la souveraineté du sol qu’ils occupaient depuis si longtemps, et ce n’était pas trop récompenser une pieuse croisade que de donner ces riches pays à ceux qui devaient, ou convertir les sauvages, ou exterminer l’idolâtrie. La concession était donc faite (ce sont les termes de la bulle) ut fides catholica et christiana religio nostris præsertim temporibus exaltetur, etc., etc., ac barbarœ nationes deprimantur et ad fidem ipsam reducantur.

Cette générosité du pape disposant d’un pays qui ne lui appartenait pas en faveur des Espagnols et des Portugais, qui n’y avaient pas plus

  1. Grotius, de Jure belli et pacis, lib. II, cap. xxii, de Causis injustis, § 14.