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s’il aurait assez de troupes en bon état pour figurer à côté de l’armée française, et cependant nous envoyions un petit nombre de soldats en Amérique. Notre corps d’armée était de six mille hommes. Washington pouvait en avoir seize à dix-sept mille mal armés.

Ce qui ajoutait à la difficulté de la situation, c’est qu’avec une galanterie toute française le roi Louis XVI avait décidé que cette armée serait considérée comme auxiliaire, céderait la droite aux troupes américaines, et serait sous les ordres de Washington. Elle était commandée par le général de Rochambeau. Les officiers en étaient des hommes de la plus haute noblesse : les Ségur, les Noailles, les Chastellux, les Lauzun qui se trouvaient en présence de soldats vêtus de blouses de chasse, armés de fusils en mauvais état. Il fallut toute l’affabilité de nos officiers pour ne pas faire sentir aux Américains leur misère. Quant à Washington, son rôle était celui de Caleb dans le roman de Walter Scott ; il lui fallait faire croire à une armée qui n’existait pas. Mais quand nos officiers virent les Américains au feu, ils conçurent pour eux une grande estime.

La faute de cette situation déplorable était l’absence de gouvernement.

Ce fut à ce moment, le 1er janvier 1781, qu’en Pensylvanie deux régiments se révoltèrent, et parlèrent d’aller demander au congrès leur licenciement ou la solde qu’on ne leur payait pas. Washington fut obligé de recourir aux prières ; ce fut par la persuasion et le respect qu’il inspirait qu’il put maintenir son armée dans l’obéissance. Il est vrai que, deux jours plus tard,