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tion. On n’a pas vu qu’il y avait là deux sphères d’action très-distinctes ; on a toujours voulu confondre ensemble les droits de l’État et ceux du citoyen. À l’État la puissance militaire, la diplomatie, la police supérieure, la justice, les finances ; et personne ne lui marchandera son autorité, car il l’exerce à notre profit, et c’est ce qui fait que nous sommes une nation ; mais en dehors de cela, qu’on laisse à l’industrie ce qui appartient à l’industrie, à la conscience ce qui appartient à la conscience, à la pensée ce qui appartient à la pensée. On fera ainsi la part du pouvoir et de la liberté, on aura des citoyens énergiques, et on n’affaiblira pas l’État. Tout au contraire, en le limitant on le fortifie.

Je finis par une réflexion qui nous ramènera en Amérique. En voyant ce qu’a fait Washington, une pensée me vient souvent à l’esprit : c’est que si l’Amérique est arrivée au point de civilisation où elle s’est élevée par soixante-dix ans de prospérité, elle le doit aux grands hommes qui se dévouèrent à sa cause et agirent au milieu de l’indifférence, je dirai presque de l’abandon universel.

C’est là une des choses que dans nos systèmes modernes on remarque le moins. On nous a fait une théorie que j’ai déjà attaquée plusieurs fois : c’est cette théorie du progrès qui nous représente comme toujours meilleurs que ceux qui nous ont précédés par cela même que nous venons après eux, et moins bons que ceux qui nous suivront. Je crois que l’homme est fait pour un progrès indéfini, mais que si les hommes ne tra-