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toire de la constitution américaine. Aujourd’hui je ne peux m’empêcher de réfléchir au bonheur de l’Amérique, qui, dans une situation aussi grave, trouve aussitôt des hommes qui savent ce qu’il faut pour arriver au noble but qu’ils poursuivent. En France nous avons passé par les mêmes phases que l’Amérique, nous avons connu cette situation révolutionnaire, cette agitation dans les esprits, ce mécontentement universel, cette espèce de malaise du malade, qui change sans cesse de côté et ne peut se reposer. Mais des hommes qui se présentent et disent au pays : « Voilà ce qu’il faut faire, et nous le faisons, » c’est ce que nous n’avons jamais vu. Nous sortons d’une révolution par une autre, et nous marchons ainsi, de révolution en révolution, à la ruine de la liberté. À quoi cela tient-il ? À deux causes qui se tiennent étroitement : l’ignorance et l’absence d’esprit politique.

Notre ignorance politique n’est pas notre faute, quoique nous ayons fait beaucoup d’expériences depuis soixante-dix ans. Ce que j’appelle l’ignorance politique, ce n’est pas l’absence de cette science qu’on apprend dans les livres, mais de cette science qu’on apprend dans la vie.

En Amérique, un homme commence par être un des agents de sa commune. Membre du comité des écoles, marguillier de son église, inspecteur des routes ou des ponts, curateur d’un hospice, etc., il est toujours occupé à faire deux parts de sa vie, l’une pour ses affaires, l’autre pour la chose publique ; l’une pour soi, l’autre pour ses concitoyens. Et de même qu’on ne se sépare