Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/198

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capables de nous gouverner nous-mêmes, et que nos systèmes, fondés sur la base d’une égale liberté, sont chimériques et trompeurs ! Dieu veuille que l’on prenne à temps de sages mesures pour détourner des conséquences que nous n’avons que trop lieu de redouter.

« Quoique je sois retiré du monde, j’avoue franchement que je ne saurais rester spectateur désintéressé. Cependant, puisque j’ai heureusement aidé à conduire le vaisseau dans le port, et que j’ai obtenu mon congé en forme, ce n’est pas mon affaire de m’embarquer de nouveau sur une mer orageuse ; d’ailleurs on ne peut pas supposer que mes sentiments et mes avis eussent beaucoup de poids sur l’esprit de mes concitoyens. Ils ont été négligés, quoiqu’ils eussent été donnés comme un legs et de la façon la plus solennelle. Peut-être alors avais-je quelques droits à l’attention publique ; je me regarde comme n’en ayant aucun à présent. »

Cette lettre est du mois d’août 1786 (avant l’émeute de Shays, par conséquent) ; vous voyez combien elle est belle et triste, combien Washington s’y montre désillusionné. Il avait tort, car c’est précisément de l’excès du mal qu’allait sortir le remède. C’est le danger commun qui allait réveiller l’Amérique et décider Washington lui-même à renoncer à sa retraite et à rentrer au service de la patrie.

Vous savez maintenant de quel état de misère des hommes courageux, Washington, Madison, Hamilton, Franklin voulurent tirer leur pays. Pour réformer la constitution, ils résolurent de s’adresser au peuple, et dotèrent l’Amérique de ce pouvoir fédéral qui a fait le salut et la grandeur des États-Unis.

C’est là un des grands spectacles que présente l’his-