Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui sont contentes de leur situation et ne sont pas corrompues par la misère) ne soit amené par l’insécurité de la propriété, le manque de confiance dans le gouvernement, l’absence de justice et de bonne foi dans l’État, à considérer les charmes de la liberté comme imaginaires et trompeurs. Ces fluctuations, cette incertitude perpétuelle dégoûteront et alarmeront nécessairement le pays, et disposeront les esprits à tout changement qui promettra le repos et la sécurité. »

Vous voyez que nous avons affaire à une tête politique, et il y en avait beaucoup comme cela en Amérique. Jamais, je crois, on n’a rencontré des hommes mieux habitués à la liberté. Il y a eu en d’autres pays, en d’autres temps, des hommes qui ont aimé aussi sincèrement la liberté ; mais qui l’aient aussi bien comprise, je ne le crois point. Hamilton, Jay, Washington étaient des gens qui, sans avoir fait des études profondes, avaient ce grand mérite qu’ils étaient nés et avaient vécu au grand soleil de la liberté.

La réponse de Washington, je vous l’ai lue dans la dernière leçon ; c’est dans cette lettre qu’il s’indigne qu’on commence à parler de monarchie. Ce mot de monarchie lui faisait horreur. Il ne la craignait pas immédiatement, mais il sentait que si l’anarchie se prolongeait, on arriverait à des désordres, et que le peuple, tremblant pour sa sécurité, se réfugierait sous un pouvoir fort. Cette réponse trahit des incertitudes. Washington était un esprit timide, mais si l’esprit était timide, le cœur était résolu. On voit dans sa correspondance un homme qui discute, qui examine toutes choses, comme si chacune des questions qu’il étudie importait à son