Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/251

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« Il vécut jusqu’au lendemain deux heures ; toute son inquiétude était pour sa femme accablée et pour ses enfants. Il m’en parlait fréquemment, en ne les appelant que ma femme bien-aimée, mes chers enfants. Si terrible que fût sa situation, son énergie en triomphait. Une seule fois seulement, à la vue de ses sept enfants amenés près de son lit, son courage l’abandonna. Il ouvrit les yeux, regarda ses enfants, puis ferma les yeux jusqu’à ce qu’on les eût emmenés. Lui seul pouvait calmer l’égarement de leur mère : Chère Èliza, souvenez-vous que vous êtes chrétienne, telles étaient les paroles qu’il lui adressait d’une voix ferme, mais pleine de sensibilité. »

Ainsi mourut misérablement, à quarante-sept ans, un homme qui avait joué un si beau rôle en Amérique, et qui semblait appelé par son âge à rendre encore des services. Soldat, écrivain, homme politique, financier, avocat, on l’avait trouvé au niveau de toutes les situations, toujours le même ; gai, ardent, résolu, aussi tranquille sur un champ de bataille qu’à la barre des tribunaux de New-York, et aussi résolu comme avocat que comme capitaine. Ce fut en Amérique un grand deuil, d’autant plus qu’on n’estimait pas l’homme avec lequel il s’était battu, mauvaise opinion que celui-ci justifia quelques années plus tard. En 1807, on le trouve engagé dans une entreprise qui pouvait amener une révolution aux États-Unis ; il avait l’intention d’entraîner les États de l’Ouest, de se rendre maître de la Nouvelle-Orléans, et de conquérir le Mexique à son profit.

Un des amis d’Hamilton, Fisher Ames, écrivit une notice sur la mort de son ami : il le compare à Germanicus enlevé à l’amour du peuple romain ; il ajoute que l’Amérique savait ce qu’elle avait perdu par ce qu’Ha-