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blées lui faisaient l’effet d’un cheval attelé par devant et d’un cheval attelé par derrière à la même charrette. Le mot était piquant, mais Franklin ne voyait pas le grand côté de la question, c’est qu’une assemblée unique est nécessairement un pouvoir sans contre-poids et sans responsabilité, c’est-à-dire un despotisme de la pire espèce, avec tous les entraînements, toutes les passions et toutes les faiblesses de ce mauvais gouvernement. Une assemblée unique, c’est l’hydre à plusieurs têtes, un pouvoir à la fois très-violent et très-faible. Dans l’histoire il n’y a pas d’exemple d’assemblée unique qui n’ait mené le pays à la révolution, à l’anarchie et au despotisme, héritier ordinaire de l’anarchie. C’est là un argument que la plaisanterie la plus ingénieuse ne peut ébranler.

Franklin avait aussi rapporté de France l’idée très-fausse que le président d’une république et les principaux fonctionnaires ne doivent pas être payés. Cette absence de salaire constitue forcément une aristocratie, et ne rend pas les gens plus vertueux ; il faut toujours se rappeler le mot de Talleyrand à propos de je ne sais quel fonctionnaire : « Il ne demande rien, ce sera cher ! »

Si Franklin, cet esprit d’ordinaire si pratique, avait eu le tort de rapporter de France certaines théories politiques qui ne valaient pas les idées américaines, il apportait en revanche dans la Convention un grand élément de concorde et de paix. Franklin, ce patriarche que chacun respectait, et dont on craignait même l’esprit et la malice, pouvait dire la vérité à tout le