Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/269

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monde sans fâcher personne. Quand s’agitaient les passions, il rappelait qu’on était là pour donner une constitution à l’Amérique, et non pour se quereller ; et à ceux qui lui disaient qu’ils ne pouvaient se déjuger, il répondait finement que déclarer qu’on ne changera jamais d’avis n’était pas toujours une preuve d’esprit et n’avait jamais convaincu personne.

Quand la constitution fut terminée et qu’il ne resta plus qu’à la signer, ce qui n’était pas de peu d’importance, Franklin, à qui elle ne plaisait pas, mais qui sentait la nécessité d’établir un gouvernement, fit lire par Wilson le discours suivant. C’était son testament politique, et il est digne de lui.

« Monsieur le président,

« J’avoue qu’il y a certaines parties de cette constitution que je n’approuve pas à présent ; mais je ne suis pas sûr que je ne les approuverai jamais. J’ai vécu longtemps, et l’expérience m’a souvent obligé de changer d’avis sur d’importants sujets. Je croyais avoir raison ; mais de meilleurs renseignements, des études plus approfondies, me prouvaient qu’il en était autrement.

« Voilà pourquoi, plus je deviens vieux, et plus je me sens porté à douter de mon propre jugement et à avoir plus de respect pour le jugement d’autrui. La plupart des hommes, il est vrai, comme la plupart des sectes religieuses, se croient en pleine possession de la vérité ; tout ce qui diffère de leur sentiment est une erreur. Steele, un protestant, dit au pape dans une dédicace, que la seule différence des deux Églises, en ce qui touche la certitude de la doctrine, c’est que l’Église de Rome est infaillible, et que l’Église d’Angleterre n’a jamais tort. Mais quoique beaucoup de personnes n’aient pas une moins