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cette nuance mal jugée et un peu calomniée, parce que le pouvoir est passé aux mains d’hommes d’une autre couleur. Les démocraties sont sans pitié pour ceux qui ne les ont pas adorées, Jefferson et ses amis n’ont pas eu toute la justice désirable pour Hamilton et Morris.

Quand on lit les écrits de ces politiques, on voit qu’ils étaient tout aussi patriotes que Jefferson, et tout aussi républicains, mais d’une autre façon. C’étaient des Anglais établis dans le Nouveau-Monde, bien convaincus qu’il n’y avait de possible que la république, mais voulant lui donner des conditions de stabilité et de sécurité qui rapprochassent la constitution américaine de la constitution anglaise. En quoi je pense qu’ils allaient trop loin. Dans ce pays nouveau, il était nécessaire que la démocratie eût une place plus large ; mais ce n’en était pas moins une pensée très-juste qu’il fallait pencher du côté de la sécurité et de l’unité, sans quoi un beau jour la liberté serait menacée, et l’union avec elle.

Gouverneur Morris reçut dans la Convention un hommage à son talent d’écrivain ; ce fut lui qu’on chargea de rédiger la constitution. On lui doit cette justice qu’elle est écrite en très-bon style, et avec une netteté toute française qui fait un heureux contraste avec le langage embrouillé des lois anglaises. Il n’y a dans la Constitution américaine que ce qu’on doit dire, et cela est dit en style de législateur.

Voilà ce que j’avais à vous dire de Gouverneur Morris, comme homme politique. Parlons maintenant du diplomate. En 1789, Gouverneur Morris vint en France après