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Sénat a une part du pouvoir exécutif, car on ne peut nommer d’ambassadeurs ni de ministres sans son aveu. Il ne faut donc pas admettre ce principe de la division des pouvoirs avec une rigueur qui a toujours été démentie par les faits. Ce fut là l’erreur de la Révolution, et en général c’est la faute de l’esprit français de traiter les théories politiques comme des vérités mathématiques, et de leur prêter un absolu qu’elles ne comportent pas. Mounier, à l’Assemblée constituante, avait bien indiqué qu’en Angleterre les pouvoirs n’étaient pas si complètement séparés qu’on le prétendait, et il avait dit avec un sens profond : « Pour que les pouvoirs restent à jamais divisés, il ne faut pas qu’ils soient entièrement séparés ; » en d’autres termes, il faut que chacun ait sa province, mais il ne faut pas un isolement absolu.

Tout au contraire, les théoriciens révolutionnaires, — j’emploie ce mot sans y attacher ni bonne ni mauvaise acception, pour désigner les logiciens de l’école de Rousseau, — voulaient que les pouvoirs fussent absolument divisés pour que les peuples fussent libres. C’était, suivant eux, la guerre des pouvoirs qui permettait à la liberté de se développer : chose difficile à comprendre, car, quand les pouvoirs se querellent, il y a nécessairement des victimes. C’est quelquefois la royauté ou la chambre, mais c’est toujours le peuple. La division des pouvoirs n’est donc qu’une simple vérité d’observation ; elle n’a qu’une valeur relative, et se réduit à ceci : il faut que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ne soient pas entièrement et tous en-