Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les trouva mangés par les loups. S’étaient-ils tués ou étaient-ils morts de misère et de faim ? On l’ignore. Buzot, dans ces catacombes, avait écrit ses mémoires ; il s’y demande pourquoi la révolution avait échoué ; il y voit deux raisons, le suffrage universel et l’unité du pouvoir législatif. Le suffrage universel, parce qu’il a permis aux partis extrêmes de faire des élections qui ont donné le pouvoir à Robespierre ; l’unité du Corps législatif parce qu’elle a permis à Robespierre de dominer dans la Convention. On est frappé de la sérénité avec laquelle Buzot discute ces questions. On ne sent pas l’homme mis hors la loi, ou plutôt on reconnaît le sage, qui, ayant fait le sacrifice de sa vie, ne compte plus que sur l’incorruptible avenir.

« Une autre erreur non moins funeste et plus difficile encore à déraciner des cœurs français, parce qu’on lui doit en quelque sorte la révolution elle-même, c’est de repousser la division du corps législatif en deux corps séparés et indépendants. Le peuple voit toujours là le rétablissement de la noblesse, et consultant plus sa haine que sa raison, il confond toutes les idées, tous les temps, et ne trouve dans l’institution la plus sage que le retour des distinctions et des préjugés qui blessent son orgueil et choquent tous les principes… Il me semble que la division du corps législatif est de la nature même du gouvernement représentatif. Dans cette forme de gouvernement, il s’agit moins de compter les suffrages que de les peser, moins d’exprimer la volonté générale que d’empêcher qu’elle ne soit pas exprimée.

« (À cette forme de gouvernement) on ne peut pas appliquer les maximes de Rousseau, que la souveraineté est indivisible, que la volonté générale ne peut errer ; car ce n’est pas ici le peuple en corps qui exprime sa volonté, mais un corps par-