Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/336

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ples se sont-ils trompés ? avons-nous seuls raison contre tous ? L’électorat est-il un droit naturel comme la liberté ? est-ce simplement une fonction, c’est-à-dire un mandat, et par conséquent un pouvoir qui n’a rien d’absolu ?

C’est là un point que je demande la permission d’examiner en détail.

C’est en effet une question des plus graves, alors même qu’on devrait arriver à conclure que si le suffrage est une fonction, il est cependant de l’intérêt général qu’il soit universel. Il est évident que la situation du législateur n’est pas la même selon que l’électorat est une fonction ou un droit. Dans le premier cas, on pourrait en écarter certains inconvénients, dans l’autre il serait interdit d’y toucher. Voyons donc ce que dit l’histoire, nous verrons après ce que dit la raison.

Si nous consultons l’histoire, nous voyons qu’il n’y a jamais eu de principe absolu en fait de suffrage. Dans tous les pays et dans tous les temps le suffrage a infiniment varié. Chez les Grecs, — les Grecs ont été les grands observateurs du droit politique, et comme ils avaient beaucoup de cités, de constitutions et même de révolutions, l’expérience ne leur manquait pas, — chez les Grecs, Aristote, qui nous a laissé ce grand monument de la Politique, a donné une règle qui me semble le dernier mot de la sagesse antique : c’est que pourvu que la grande majorité des citoyens ait part au gouvernement tout système électoral peut être bon. Aristote ne se fait aucun scrupule de laisser en dehors du gouvernement une minorité de citoyens, sans parler des