Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

citoyen est intelligent et moral ; la femme n’est-elle ni intelligente ni morale ? Mais, dira-t-on, la femme est représentée par son mari. Oui, quand elle est mariée ; mais quand elle ne l’est pas ? Au moyen âge on ne se faisait nul scrupule de donner des droits politiques à des femmes. Vous en voyez un reste chez nos voisins : c’est une femme qui porte la couronne, et cette femme est un des meilleurs souverains qu’ait eus l’Angleterre. Prétendre que politiquement la femme est une mineure perpétuelle, c’est répondre à la question par la question. Je demande précisément pourquoi elle est une mineure. Est-ce qu’elle est incapable de s’occuper d’affaires ? Il est singulier qu’on puisse soutenir une pareille thèse lorsqu’on a vu à la campagne la fermière, une veuve quelquefois, faisant marcher quinze, vingt garçons de labour, envoyant les uns à l’écurie, les autres aux champs, conduisant tout, menant tout. Eh bien, le jour du suffrage, le pâtre qui conduit les chèvres va voter, la fermière ne vote pas. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas de barbe ! Je ne vois pas d’autre raison que celle-là.

Cette question, qui n’est plaisante que dans la forme, a été examinée par un homme qui, pas plus que moi, n’a craint d’affirmer la vérité, même au risque de ce que de bonnes gens appellent un ridicule, et de ce que j’appelle un honneur. M. Stuart Mill, un des esprits les plus hardis de notre temps, et, parmi les écrivains de talent, le seul en Angleterre qui défende le suffrage universel, a examiné la question du suffrage des femmes, et voici ce qu’il en dit. C’est en 1861 qu’il