Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/349

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il demande que l’impôt soit assis sous la forme directe, et qu’on ne se serve pas de ces détours qui trompent le peuple et lui donnent de très-fausses idées politiques. En Angleterre, dit-il, l’impôt est payé par les propriétaires. Pour se rendre populaires, dans nos villes anglaises, les magistrats municipaux proposent de construire des squares, des boulevards, etc. ; le peuple applaudit d’autant plus à cette générosité municipale que l’impôt est à la charge des propriétaires, il dit : « Bravo, nous n’aurons rien à payer et le profit sera pour nous. » De quelque prétexte qu’on colore cette action, dit M. Mill, et quelque beau nom qu’on lui donne, cela s’appelle mettre la main dans la poche de son voisin. Mais si l’impôt était direct, si le peuple pouvait comprendre que c’est lui qui paye ces améliorations qui le charment, on voterait en connaissance de cause. Ce serait le règne de la modération et de l’économie.

Tout ceci est juste. J’admets avec M. Stuart Mill qu’en général quiconque ne paye pas d’impôt n’a pas droit de voter. Ce n’est pas que je suppose qu’un gouvernement n’a à statuer que sur des intérêts, mais il me semble que la liberté générale couvre la liberté de celui qui ne vote pas ; tandis que l’absence de part aux dépenses donne à certains électeurs le privilège de disposer de l’argent d’autrui. Or, je ne veux de privilège ni pour la misère ni pour la richesse. Mais le payement de l’impôt suffit-il pour faire un électeur ? Non, suivant Mill, il faut chez l’électeur intérêt et capacité. Le payement de l’impôt prouve l’intérêt, mais non la capacité.