Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/350

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Sur ce second point M. Mill est aussi d’une largeur extrême. Il demande qu’on lise, qu’on écrive, et, ce qui est peut-être bien anglais, qu’on sache faire la règle de trois. Sans cela, dit-il, à moins qu’on n’appartienne à cette catégorie de gens chez qui la théorie étouffe le bon sens, il est impossible d’admettre qu’un homme qui n’a pas acquis les premières notions nécessaires pour prendre soin de lui-même, pour défendre ses propres intérêts, se trouve capable de voter, c’est-à-dire de régler les intérêts publics.

Ces idées ne sont pas particulières à l’auteur, mais voici où M. Mill est original. Je comprends, dit-il, qu’on donne une voix à celui qui a un intérêt, une capacité ; mais il semble qu’il y a des gens qui ont plus d’intérêt ou qui ont six fois, huit fois plus de capacité que les autres. Or, vous commencez par établir en principe une égalité qui n’existe pas ; et en admettant une égalité qui n’existe pas, vous ne la faites pas naître, mais vous déclarez que le nombre est tout, c’est-à-dire que l’ignorance l’emporte sur la sagesse, la pauvreté sur la richesse ; votre constitution est immorale. Une constitution doit être pour un peuple une grande leçon de moralité ; les institutions politiques sont, par leur jeu même, un enseignement perpétuel, un perpétuel moyen d’éducation ; il faut donc que ces institutions s’appuient sur des principes vrais. Il ne faut pas dire à l’homme : Respecte celui qui en sait plus que toi, celui qui te donne du travail ; et lui dire en même temps : Tu vaux autant que celui qui en sait plus que toi, ou qui te fait travailler. M. Mill veut donc qu’il y ait des votes multi-