Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand avantage. Tandis que c’est le triomphe de l’unité française d’effacer toutes les couleurs et toutes les nuances, les Anglais, au contraire, pensent que la variété est la condition d’une bonne représentation parlementaire. Ils donnent six représentants à leurs trois universités pour introduire dans leur chambre six personnes qui soient des savants, des philosophes ; de même ils donnent une représentation particulière aux comtés et aux bourgs pour que les intérêts territoriaux soient représentés à côté de l’intérêt du nombre. Ils cherchent toujours à obtenir l’harmonie par la diversité des tons. Nous, nous cherchons à passer partout le terrible niveau de l’uniformité.

Voilà les réformes qui se débattent en Angleterre. Je vous les ai présentées avec une pleine confiance dans votre impartialité. Je sais que le suffrage universel est un dogme ; on ne le discute pas, on l’adore. Je me méfie toujours d’une foi aveugle. En religion comme en politique, cela ne produit que des fanatiques ; et ce sont toujours les fanatiques qui deviennent athées quand leur foi s’envole ou qu’ils ont intérêt à ne plus croire. J’aime sincèrement la démocratie, et je crois que le suffrage universel peut être un bon instrument. Mais je ne le crois pas infaillible, et je ne prends pas le suffrage universel pour la vérité non plus que pour la liberté. Si on peut le dépouiller de son ignorance et de ses passions, si l’on peut faire une part à des intérêts qui ne sont pas ceux du nombre, aux lumières, à la capacité, aux services rendus ; si l’on peut sauver la démocratie de ses entraînements et de ses