Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/364

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aussitôt l’opposition crie au privilège : cela jette de l’odieux sur le système et ne peut que nuire à la constitution.

Pour faire établir un cens d’éligibilité, M. Royer Collard, avec son éloquence solennelle, prononça cette phrase célèbre : « Il n’y a rien de plus dangereux qu’un prolétaire éloquent ; » et la chambre d’applaudir ; mais, quand il prononçait cette phrase, le philosophe oubliait, comme cela lui arrivait quelquefois, de mettre un sens sous les mots : car il n’y a pas de prolétaires en France. Le prolétaire, à Rome, c’était un homme nourri par les empereurs, amusé par les empereurs. On tuait de temps en temps un sénateur, on confisquait sa fortune, et avec cet argent on amusait un peuple mendiant et corrompu. Voilà ce que c’était qu’un prolétaire. Aujourd’hui nous n’avons que des gens qui vivent de leur travail. Le travail est la loi des sociétés modernes ; nous n’avons donc rien à craindre des prolétaires, car ce qu’on désigne par ce mot oratoire, ce sont simplement des ouvriers. Nous avons eu en 1848 des ouvriers à la chambre, sans que la France en ait été ébranlée. L’Amérique aussi a eu dans ses assemblées plus d’un ancien ouvrier ; et nous ne voyons pas qu’elle ait à rougir d’avoir choisi M. Lincoln. Laissons donc de côté une phrase qui n’est plus de notre temps.

Il y a encore une condition d’éligibilité que l’Amérique aurait pu emprunter à l’Angleterre : le serment. Je ne parle pas du serment politique, les représentants du peuple auraient l’air de se prêter serment à eux-mêmes ; mais je parle du serment religieux, qui a long-