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rien à l’intelligence, vous aurez le désordre de la foule ou l’oppression d’un maître. Tout gouvernement pur est donc exclusif et mauvais ; ce qu’il faut, c’est un pouvoir fort, émané du peuple, les gens capables à la tête des affaires, et le peuple émettant son vote sur toutes les questions de liberté et de propriété.

Il n’y a rien à retrancher à cette théorie d’Aristote, qui avait étudié les choses avec l’œil du génie. C’est ce qu’ont compris les Américains. Ils ont aussi une aristocratie ; ils ne reculent pas devant ce mot qui effraye tant de gens en France ; mais cette aristocratie est élective. Les hommes les plus considérables sont au sénat fédéral et dans les sénats des États particuliers. C’est ainsi que les Américains ont une grande aristocratie mobile, qui ne porte pas d’ombrage à la susceptibilité démocratique.

Mais, chez nous, en 1814, on eut l’idée de faire une pairie héréditaire et de donner à cette pairie une part du pouvoir ; plus tard on proposa de refaire un droit d’aînesse, afin de donner la terre à cette aristocratie improvisée : c’est ainsi qu’on révolta un peuple épris d’égalité. En se révoltant, l’opinion eut-elle tort ? Non. Quand une aristocratie n’existe pas dans un pays, pourquoi l’y importer ? C’est une des choses les plus singulières que d’inventer une condition sociale. Il faut que le législateur agisse avec les éléments qu’il a dans les mains ; ces éléments, il ne peut pas les créer.

En 1815, l’empereur le sentit ; son exil lui avait enseigné le prix de la liberté. La charte de 1814 était libérale ; Napoléon fit une charte plus libérale encore.