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donc un esprit de corps qui fait qu’on pourrait écrire l’histoire de la politique du Sénat américain, tandis qu’il n’est pas possible d’écrire l’histoire des assemblées qui se sont succédé chez nous depuis soixante-dix ans, à moins de la résumer d’un seul mot : Confusion.

Il n’est pas à craindre que le Sénat rapporte tout à lui, comme ferait un corps héréditaire ou viager. Quand on n’est nommé que pour six ans, on respecte et on ménage ses électeurs. D’un autre côté, le Sénat a ses habitudes et peut se considérer comme perpétuel, de même que les académies, où tout se renouvelle insensiblement, aiment à se considérer comme immortelles. Les individus passent, le corps reste. C’est donc une institution qui présente l’avantage des aristocraties, sans en avoir l’égoïsme, et qui a l’avantage de l’élection, sans en avoir la mobilité. Si le Sénat contrariait les idées populaires, rien n’empêcherait le peuple d’envoyer un tiers de membres nouveaux dans le Sénat tous les deux ans, et un tiers de membres nouveaux changera toujours la face d’une assemblée.

C’est ainsi qu’on a su instituer au sein d’une démocratie un pouvoir électif et permanent.

Ce système a cela de curieux que, s’il ressemble à quelque chose, c’est au sénat romain. Le sénat romain, que nous admirons de confiance et dont nous faisons le sujet de si belles déclamations, était bien une aristocratie, mais c’était une aristocratie mobile, d’un caractère tout à fait populaire. Le sénat était composé de membres choisis par les censeurs. Tous les cinq ans, les censeurs