Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/493

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La grande réforme faite en Amérique est donc de placer entre la constitution et la législation un pouvoir qui dit au législateur : « La constitution faite par le peuple est ta loi comme la mienne. C’est la lex legum. Nous ne devons la violer ni l’un ni l’autre. »

Est-ce là retomber dans les abus parlementaires ? Nous avons eu, sous l’ancien régime, un parlement qui avait une certaine part du pouvoir législatif, et à la révolution on n’a eu rien de plus pressé que de renverser ce pouvoir. Quels qu’aient été ses défauts, il avait rendu plus d’un service. Ce qui le fit renverser, c’est que c’était un pouvoir de privilège, et que les parlementaires s’en étaient servis pour défendre leurs intérêts plutôt que la liberté. Vous savez quel était le droit des parlements. On apportait une loi au parlement, il n’avait pas mission de juger cette loi ; mais il avait la garde des lois fondamentales, et, suivant l’idée du jour, il déclarait que la loi qu’on lui demandait d’enregistrer était contraire ou non à la loi fondamentale. Quelquefois, par exemple, il déclarait, quand il s’agissait d’impôt, que le roi n’avait pas le droit d’établir des impôts sans convoquer les états généraux : décision parfaitement juste, mais que le parlement oubliait quand il était d’accord avec la royauté. C’était donc un pouvoir hybride, moitié judiciaire, moitié politique, et qui dans ses derniers moments troubla singulièrement les esprits.

Il n’en est pas de même pour le pouvoir judiciaire des États-Unis ; il n’a pas le droit de déclarer qu’une loi est mauvaise ni de faire des remontrances. Mais, dans un procès civil, particulier, quand on lui demande si telle