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mais les lois ne nous donnent rien, et les lois ne sont pas changées. Dès qu’on arrive à mettre à exécution la constitution, on trouve ces lois entre la constitution et la justice.

C’est ici que l’Amérique a fait faire un grand pas à la question. Elle a établi un pouvoir judiciaire indépendant qui, placé entre les lois du congrès et la constitution, a le droit de dire : « Cette loi est contraire à la constitution, elle est nulle. » Non qu’il puisse le faire d’une façon générale, et dire : « Nous ne reconnaissons pas telle loi. » Il n’y a pas de pays qui résisterait à un pareil antagonisme des pouvoirs suprêmes. Non, ce n’est pas là ce qu’a fait la constitution américaine. Mais si le congrès décide par une loi qu’on a droit de m’arrêter par mesure de sûreté générale et de me faire juger par une commission, je m’adresse à la cour fédérale, je lui demande un mandat d’habeas corpus ; en vertu de cet habeas corpus, je viens devant elle et je demande ma liberté provisoire et le jugement par jury. Alors, et dans l’espèce, la cour fédérale décidera, s’il y a lieu, que cette loi du congrès ne peut m’atteindre, car elle est contraire à la constitution. Elle décidera comme décident nos tribunaux, lorsqu’il ne s’agit pas de lois, mais d’ordonnances. Si demain une ordonnance de police m’oblige à faire ce que la loi n’exige pas, il faudra que le tribunal décide contre l’ordonnance et prononce en ma faveur. C’est ainsi qu’en 1832 la Cour de cassation déclara, par un arrêt célèbre, qu’il fallait une loi pour établir l’état de siège et qu’une ordonnance ne suffisait pas.