Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/545

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souffert de la constitution, on n’aurait pu y toucher quand même tout le monde eût été d’accord, alors même que le pays tout entier eût voulu la révision. Qu’y avait-il donc au-dessus du pays ? Un morceau de papier ! Cela suffisait pour empêcher la France de donner satisfaction à ses désirs les plus légitimes.

Je comprends que lorsqu’il y a un traité avec l’étranger, il y a contrat ; il faut qu’il s’exécute même lorsqu’il est désastreux. Je comprends que, dans une monarchie, quand on a garanti aux citoyens certains droits, certaines libertés, on ne puisse, sans leur aveu, leur reprendre ces droits, leur ôter ces libertés ; mais là où le peuple ne contracte qu’avec lui-même, ou, pour mieux dire, ne contracte pas, où il y a simplement une organisation de pouvoirs faite uniquement dans son intérêt, qu’on puisse lui dire : « Tu ne te trouves pas bien, et cependant tu ne changeras pas cette constitution. — Et pourquoi ? — Parce que tes mandataires ont décidé, il y a cinq ou six ans, qu’elle ne serait modifiée que de certaine façon, » j’avoue que cela me paraît une folie. Il faut toute l’admiration que nous avons pour certains souvenirs qui n’ont rien d’admirable, pour ne pas voir que c’est là une usurpation flagrante de la souveraineté. En Amérique, on n’est jamais tombé dans cette erreur. De leur côté, les Anglais ont une constitution qui n’est pas écrite, et pour rien au monde ils ne voudraient l’écrire. Leur constitution a l’immense avantage de se modifier insensiblement et par le progrès du temps. Les Américains n’étaient pas dans la situation des Anglais, il leur fallait une consti-