Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/67

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ricains. M. Abraham Lincoln ne sera certainement pas l’empereur de l’Amérique. On lui a donné un nom que l’histoire ratifiera : ce sera l’honnête Abraham, le citoyen qui n’a pas désespéré de la patrie, le magistrat qui a défendu énergiquement la cause de la liberté et de l’Union ; ce titre lui suffit, et à vrai dire il est plus beau que celui de César.

Passons à une autre objection. Soit, dira-t-on, la Constitution des États-Unis est excellente, nous ne prétendons pas le contraire, elle a fait le bonheur du peuple américain. Mais remarquez quel est ce peuple. C’est un peuple nouveau, sans traditions, qui a pu faire table rase, qui ne traînait pas après lui le boulet d’une civilisation de treize siècles. Il avait donc un avantage énorme sur la vieille Europe, et il n’est pas étonnant qu’il ait pu faire un gouvernement qui lui convenait. Mais c’est précisément parce que ce gouvernement est celui d’un peuple sans traditions, qu’il ne peut être celui d’un vieux peuple de l’ancien continent.

Cette objection contient un peu de vérité, mais elle contient aussi beaucoup d’erreurs, et je voudrais les dissiper.

C’est, dit-on, un peuple nouveau. J’avoue que ce mot m’embarrasse, car je ne sais trop ce qu’il veut dire. Il me semble qu’un peuple descend toujours d’un autre, et que, comme dit Brid’oison, « on est toujours fils de quelqu’un. » Or les Américains sont les fils très-légitimes des Anglais. Ils sont venus sur un territoire nouveau, mais eux-mêmes ne formaient pas un peuple nou-