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peuple anglais, mais ils laissaient en arrière la Cour, l’Église établie et l’aristocratie ; c’était la démocratie qui s’échappait de l’enveloppe féodale comme un papillon qui ouvre ses ailes. Les colons laissaient en Angleterre le privilège, ils apportaient l’égalité en Amérique. Voilà ce qui fait pour nous l’importance de leur constitution.

On nous dit souvent : « Voulez-vous implanter en France la liberté ? Imitez la constitution anglaise ; fondez une grande institution comme celle qui domine la société britannique et lui donne sa solidité. En Angleterre il y a une aristocratie héréditaire, qui est maîtresse du sol et qui gouverne le pays. C’est grâce à sa noblesse que cette société a quelque chose de fort, de durable. » Je réponds à cela : Ce qui est certain, c’est que l’aristocratie nous donnerait le privilège. Nous donnerait-elle la liberté ? J’en doute. Qu’est-ce d’ailleurs que créer une aristocratie ? C’est un rêve ! Créer une Église établie qui ne représenterait que la moitié des habitants ? C’est encore un rêve. L’Amérique nous laisse plus d’espoir ; nous sommes une démocratie ; les conditions d’existence sont les mêmes pour les deux peuples. Je disais un jour à un Américain, qui de simple ouvrier est devenu un ingénieur très-distingué : Trouvez-vous qu’il y ait beaucoup de différence entre votre peuple et le nôtre ? Il me dit : « La seule différence que j’y vois, c’est que beaucoup de Français ont la manie d’avoir un petit machin rouge à la boutonnière ; chez nous, nous ne comprenons pas ce plaisir. À cela près, nous nous ressemblons. »

Comme les Américains, nous sommes un peuple qui