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vit du labeur de sa pensée ou du travail de ses bras ; sous ce rapport, nous ressemblons tout à fait à la société américaine.

Nous n’avons pas ces éléments aristocratiques qui en Angleterre sont regardés comme constitutifs de la liberté, et nous sommes organisés comme cette société des États-Unis qui nous présente l’exemple d’une nation libre, heureuse, où l’on trouve plus de moyens d’éducation, plus de chances de bien-être que partout ailleurs. Je sais qu’en général l’Amérique n’est pas jugée aussi favorablement que je le fais ; les négociants français qui ont vécu à New-York sont loin de nous présenter la vie américaine sous cet aspect. New-York est en effet une ville où la police laisse fort à désirer ; mais l’Amérique n’est pas New-York, et il ne faudrait pas juger la France par un port de mer. Il faut étudier ce grand peuple dans son intérieur, dans ses institutions ; alors on en prend une tout autre idée.

Un Anglais est toujours porté à regarder son jeune frère Jonathan avec des yeux prévenus ; il lui a pardonné sa révolution, il ne lui pardonne pas cette prospérité, cette grandeur maritime qui tient en échec l’Angleterre et la menace dans l’avenir ; je lisais cependant dans un livre récent publié sur l’Amérique par M. Trollope, le fils de cette fameuse madame Trollope qui a dit de si rudes vérités aux Américains, je lisais, dis-je, l’aveu suivant qui ressemble à un cri de désespoir :

« Le peuple qui mange le plus de viande et qui lit le plus de livres, je le dis avec douleur, ce n’est pas le peuple anglais, c’est le peuple américain. »