Page:Laboulaye - Locke, législateur de la Caroline.djvu/11

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Du reste, ce ne fut pas Shaftesbury seul qui fit l’œuvre singulière que nous allons examiner ; le principal auteur, sous sa direction néanmoins, fut Locke, si célèbre plus tard par ses écrits, le père de la philosophie du dix-huitième siècle, l’apôtre de la tolérance religieuse, le politique qui, après la révolution de 1688, formula les principes des whigs en opposition au système tory de la légitimité et du droit divin ; l’homme enfin à qui Rousseau a emprunté les doctrines fondamentales du Contrat social.

Shaftesbury avait distingué à la première vue le mérite de Locke, et de son médecin il avait fait son commensal, son ami, son associé dans tous ses travaux politiques. Entre l’esprit pratique et positif du comte et l’esprit exact du médecin philosophe, il y avait des rapports suffisants pour expliquer l’amitié qui les unit jusqu’à la fin. Le mauvais succès de la révolution d’Angleterre, les excès du parti puritain avaient fait de tous deux des ennemis de la démocratie qu’ils regardaient comme dangereuse pour l’État, et impuissante à rien fonder de durable. Tous deux chérissant ce qu’à cette époque on nommait les principes anglais, considéraient l’aristocratie comme le seul rempart contre l’arbitraire et la tyrannie, que ces fléaux vinssent d’en haut ou qu’ils vinssent d’en bas. Locke regardait les privilèges de la noblesse comme la plus sûre garantie des libertés de l’Angleterre, et au travers de tous les changements de Shaftesbury, il est aisé de reconnaître en lui un goût décidé pour l’aristocratie, qu’il considérait comme la pierre angulaire de la Constitution.

Locke, ami sincère de la liberté, n’était rien moins qu’un républicain, comme Sidney, ou qu’un apôtre de l’humanité, comme le fondateur de la Pensylvanie ; ses idées étaient d’une nature plus positive, et il ne donnait rien à l’enthou-