Page:Laboulaye - Locke, législateur de la Caroline.djvu/12

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siasme. Pour lui, la société est purement et simplement un contrat, et la fin de ce contrat, le but des lois par conséquent, c’est de garantir la liberté et la propriété. La conservation de la liberté et de la propriété, tel est l’intérêt qui force les hommes à renoncer à l’état de nature, telle est la cause même de la société, la source du gouvernement[1]. D’où cette conséquence rigoureuse, que dans le gouvernement, la représentation doit être proportionnelle à la propriété, et que les grands propriétaires, les grandes familles, qui tiennent le sol héréditairement, ont dans le pays un intérêt propre et distinct, en quelque façon, de l’intérêt du reste de la communauté.

Admettez le principe de Locke, et la Constitution anglaise est parfaite ; aucune autre ne donne des garanties aussi sérieuses à la liberté, et ne fait une part aussi grande à la propriété ; c’est une représentation exacte de la propriété territoriale (et au dix-septième siècle, c’était la seule qui eût une valeur considérable). Admettez encore que la concentration du sol dans un petit nombre de mains et son immutabilité soient des faits naturels ou indifférents, la politique de Locke est irréprochable. Mais si la fin de la société n’est pas là, s’il y a dans l’État quelque autre intérêt que celui des propriétaires, si le citoyen a des droits, et des droits autres que la liberté, par cela seul qu’il est homme et citoyen, vous voyez que ce système est chimérique. Loin d’être une loi pour l’humanité, ce n’est pas même une description complète des phénomènes politiques qui se manifestent dans un petit coin du monde.

Cette critique anticipée de la théorie de Locke fera pres-

  1. Du gouvernement civil, chap. VIII, Des fins de la société et du gouvernement politique, p. 169 et suiv. de l’édition d’Amsterdam, 1755.