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qu’il est devenu pour nos Facultés comme une seconde nature, et je ne doute point que parmi les personnes les mieux intentionnées, plusieurs ne soient surprises de la critique sévère que je fais d’un ordre de choses qui a pour lui une aussi longue durée. Mais, outre que le déclin des études juridiques date chez nous de l’adoption de ce régime, je prie qu’on veuille bien mettre un instant de côté des préjugés traditionnels, pour examiner, sans prévention, des idées qui ne sont point l’invention d’un cerveau oisif, mais le résumé d’une expérience qui date aussi de deux siècles, expérience faite en Allemagne sur une échelle aussi grande qu’en France, et couronnée, on le sait, du plus éclatant succès. Toute l’Allemagne, l’Autriche exceptée[1] a répudié peu à peu le système qui règne encore chez nous, et c’est au régime nouveau par elle adopté, qu’elle attribue l’éclat de ses Universités. Il est impossible que de la comparaison des deux régimes ne résulte pas une leçon profitable, et c’est cette comparaison que je vais essayer, en m’appuyant sur des documents officiels. J’exposerai d’abord le système allemand, pour qu’on voie bien ce qu’on entend en Allemagne par liberté d’enseignement (Lern und Lehr Freyheit), et quelles limites raisonnables on lui trace : j’espère éviter ainsi des récriminations générales, trop ordinaires chez les gens qui, en paroles, poussent tout à l’extrême pour dégoûter du progrès. J’examinerai d’abord la liberté accordée à l’étudiant, je traiterai plus loin de la liberté donnée aux professeurs.


§ 2. — De la liberté d’études (Lehr ou Hœfrey heit) en Allemagne.


On admet généralement de l’autre côté du Rhin (en laissant de côté certaines opinions extrêmes qui feraient des Universités de simples Académies sans but pratique), on admet, disons-

  1. L’Autriche elle-même, qui a conservé notre système, se préoccupe de la faiblesse de son enseignement comparé à l’état brillant des autres Universités d’Allemagne, et vient de nommer une commission pour réformer ses Facultés de droit.